Il est temps de lancer un plan de rattrapage habitat, massif et adapté, aux besoins des ultramarins

outre-mer

Les conditions d’habitat dans les départements et régions d’Outre-mer doivent évoluer. Il ne s’agit pas de promouvoir une politique de l’habitat mais bien des politiques de l’habitat tant les situations d’un territoire à l’autre sont différentes : vive croissance démographique en Guyane et à Mayotte, vieillissement de la population dans les Antilles, situation intermédiaire à La Réunion. Pour autant, dans tous ces territoires une politique de rattrapage est nécessaire afin que les solutions habitat proposées soient en correspondance avec les attentes et les besoins de leurs habitants. Outre les spécificités des Outre-mer, comme les questions de l’indivision ou des 50 pas géométriques, ce qui domine, c’est la situation de plus grande fragilité dans laquelle se trouve les ménages ultramarins : niveau de vie médian inférieur de 30 % à celui de l’hexagone (hors Mayotte) – taux de chômage très supérieur – 18 % contre 8 % – part de familles monoparentales sensiblement plus élevé – 43 % contre 22 %. Et puis, ces difficultés se cumulent avec un coût de la vie significativement plus élevé (jusqu’à 30 % pour les produits alimentaires). Autrement dit, les politiques de l’habitat, publiques comme privées, doivent être conçues selon les besoins des ultramarins. C’est en ce sens que travaille la commission nationale des Outre-mer mise en place par le Conseil national de l’habitat.

Aller sur le terrain et prendre le temps d’écouter les habitants est une nécessité

Au-delà des rapports nombreux, des études et autres reportages, preuve de l’intérêt de la nation vers ces territoires, il est nécessaire d’aller sur le terrain, de rencontrer leurs habitants et représentants. Parfois, cela fait l’effet d’un coup de poing, comme un rappel brutal aux réalités. Dans le cadre du séminaire des organismes SOLIHA ultramarins et de la mission confiée par le Conseil national de l’habitat à la Commission Outre-mer, dont la présidence a été confiée à SOLIHA, nous nous sommes rendus à La Réunion puis à Mayotte.

 

Développer des politiques de l’habitat en lien avec les ressources et les attentes des habitants

Stéphane Fouassin, Maire et Conseiller général de Salazie (La Réunion), Président de l’Association des maires de La Réunion, nous a accueilli dans le cadre luxuriant et d’une très grande richesse architecturale de sa commune d’Hell Bourg. Il nous a fait partager son quotidien, être au service d’une population dont 52 % est au chômage et 58 % vit des minimas sociaux. Pour comprendre cette situation, il faut prendre en compte l’attachement de la population à son territoire et l’enclavement du cirque de Salazie. Le bassin d’emploi comme les grandes surfaces les plus proches, sont à plus d’une heure de voiture. SOLIHA Réunion y intervient pour améliorer l’habitat ou encore y construire des logements évolutifs sociaux (il s’agit d’opérations sociales d’accession à la propriété) de bonne facture et à coûts maîtrisés. De façon plus générale, ce qui frappe sur l’Ile c’est la persistance de la pauvreté et le manque d’adéquation entre la production de solutions habitat (public et privé) avec les ressources de la population. Ainsi sur la période 2016-2020, la production de PLS a augmenté de 44 %, tandis que celle de logements très sociaux (LLTS) a diminué de moitié, alors que 9 demandeurs sur 10 de logement social ont des ressources inférieures au plafond LLTS et que cette même demande a augmenté de 22 % de 2016 à 2020. Et puis, alors que 24 % des réunionnais logent dans le parc locatif privé, nous ne savons rien du profil des propriétaires bailleurs pas plus que de l’état des logements qu’ils louent. La tâche reste donc immense. D’autant que le besoin de nouvelles solutions logement est évalué entre 4 000 et 5 000 par an selon les experts locaux, tandis que le rythme de construction, tombé à 1 800 logements sociaux mis en service en 2020, peine à suivre.

 

Porter une politique d’exception pour que les habitants de Mayotte vivent dans des conditions dignes

Mais, le véritable coup de poing nous a été donné à Mayotte, toujours en voie de départementalisation (par exemple, le RSA est moitié moins élevé qu’en métropole). Les visites des opérations de résorption de l’habitat insalubre « Oupi » à Labattoir ou encore du « Talus Majicavo », illustrent l’immensité du travail à réaliser. A Oupi, les ménages vivent dans des bidonvilles faits de tôles, bois et végétaux. Ces cases entassées bordent la mangrove, elles ne sont pas à l’abri de submersion. Les conditions sanitaires y sont déplorables. Les déchets s’entassent ici ou là. L’accès à l’eau comme à l’électricité est aléatoire. Bien sûr, les choses se compliquent avec la question des « papiers » et celle de la propriété foncière. Et si certains ménages ont eu la chance, comme l’illustre l’opération du Talus Majicavo, de quitter un bidonville pour une maison en dur, cela ne règle pas tout. Ainsi, cette dame habitant depuis 32 ans à Mayotte, avec un titre de séjour renouvelé chaque année, la prive de toute aide publique, y compris pour son fils lourdement handicapé. Outre un afflux de nouvelles populations à maîtriser, un rattrapage global et considérable des infrastructures est à réaliser (routes, viabilisation des terrains, réseau de distribution d’eau, équipements socio sanitaires, scolaires, etc.). Par exemple, pour être aux normes métropolitaines, il manque aujourd’hui à Mayotte, un millier de classes…

 

Premières orientations pour améliorer l’efficience des politiques de l’habitat dans les territoires ultramarins

4 grandes orientations paraissent en mesure d’amplifier l’efficience des politiques de l’habitat dans les outre-mer :

  • Il paraît indispensable d’infléchir les politiques de l’habitat ultramarines vers des productions publique et privée plus sociales, parce que cela correspond aux besoins des populations ;
  • Les boîtes à outils habitat sont complexes, plus d’ingénierie est indispensable pour promouvoir des solutions habitat adaptées, une task force exceptionnelle pourrait être utilement mise à disposition des territoires ;
  • Les centres villes et bourgs ont été délaissés, ils sont abîmés par des immeubles vacants, dégradés et de trop nombreuses dents creuses. Des actions sont en cours avec les programmes « Action Cœur de Ville » ou « Petites Villes de Demain ». Mais le chantier est gigantesque. C’est un programme de renouvellement urbain significatif qui doit être promu. Opportunément, il va de pair avec l’objectif de la loi Zéro artificialisation nette (ZAN) ;
  • La programmation des politiques de l’habitat mérite d’être plus partagée. Le rôle des collectivités locales doit être accru via des instances de pilotage ad hoc. Celles-ci doivent pouvoir appuyer leur stratégie sur des outils d’observation et de programmation.

Rédacteur

  • Fédération SOLIHA : Michel Pelenc, Directeur de la Fédération SOLIHA – m.pelenc@soliha.fr
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