Le parc locatif privé, angle mort de la politique publique de rénovation énergétique

3,1 millions de logements locatifs privés sont énergivores

Le parc de logements national compte 7,4 millions de logements énergivores (classé « F » ou « G »). La loi de transition énergétique pour la croissance verte de 2015 prévoit leur éradication d’ici 2025 et un parc BBC en 2050.

De fait, l’habitat résidentiel et tertiaire est responsable de 23 % des émissions de gaz à effet de serre et pèse pour 40 % dans la consommation énergétique finale.

1,5 millions de ces logements sont occupés par des propriétaires occupants très modestes (4 premiers déciles de revenus) ; le plan de rénovation énergétique de juin 2018 a programmé leur éradication en 10 ans, notamment, via les subventions de l’Agence nationale de l’habitat (Anah).

Côté parc locatif privé, on dénombre 3,1 millions de logements énergivores (soit 45 % de ce parc), dont 1,7 million sont occupés par des locataires très modestes. Ceux-ci cumulent donc loyer et charges excessives pour se chauffer. Nous restons en attente,  en ce qui concerne ce parc, d’une politique à niveau.

 

 

Le PLF 2020, sauf amendements n’y change rien

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020, il est annoncé la transformation du crédit d’impôt pour la transition énergétique. Mais, à y regarder de près, et sauf amendements, cela n’aura que peu d’impacts sur le parc locatif privé.

De fait, l’Agence nationale de l’habitat va prochainement gérer le crédit d’impôts pour la transition énergétique (879 M€ en 2018) qui va se transformer en prime.  Cela part de plusieurs bonnes intentions :

  • Cela évite aux ménages de préfinancer les travaux ;
  • Il y a concentration des aides sur les publics les plus modestes ce qui diminue leur reste à charge ;
  • Il y a simplification car les subventions de l’Anah et le CITE vont progressivement (2020 pour les 4 premiers déciles, 2021 pour le 5ème au 8ème décile de revenus) ne faire plus qu’une seule aide.

Mais cette réforme vise essentiellement les propriétaires-occupants. Les locataires en ont été exclus, alors que, jusque-là, ils pouvaient mobiliser le CITE. De plus, il a également été décidé d’en exclure les ménages des 9eme et 10ème déciles de revenus. Cela fait débat tout simplement parce que ces ménages aisés génèrent à eux seuls plus de 50 % des travaux financés par le CITE. Par ailleurs, 60 % du parc de logements locatifs privés est détenu par des propriétaires bailleurs aisés (9ème et 10eme déciles de revenus). Autrement dit, ce sont ces ménages aisés, désormais exclus de cette prime, qui sont propriétaires de la majorité des logements énergivores. Des mesures incitatives auraient été les bienvenues dans l’attente de mesures coercitives attendues pour 2028 seulement, notamment, avec la fixation d’un seuil de consommation énergétique minimal non décent à 330 Kwh/EP/m2/an.

 

 

Une politique plus ambitieuse est nécessaire

L’Anah qui améliorait 50.000 logements de propriétaires bailleurs par an dans les années 90, n’en réhabilite plus aujourd’hui que 5.000 par an, dont 3.600 en 2018 ont bénéficié d’Habiter mieux sérénité. Certes, la politique du « logement d’abord » a vu le jour mais elle concerne l’aval (la captation, la gestion locative sociale, l’accompagnement social) et ne concerne finalement que 2000 à 3000 logements par an.

A l’évidence, compte tenu des besoins sociaux et des défis environnementaux, le parc privé locatif reste dans l’attente d’une politique globale beaucoup plus ambitieuse pour la mise à disposition de logements économes en énergie et avec des loyers abordables.

 

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