#SOLIHAinnove avec un projet expérimental d’habitat inclusif pour personnes atteintes de trouble du spectre de l’autisme

Viuel RS SOLIHA Innove Daliaa

DALIAA : une réponse habitat pérenne et adaptée aux besoins des personnes atteintes de trouble du spectre de l’autisme en plein cœur de Saint-Etienne.

Il y a un an, les PEP 42 (Pupilles de l’Enseignement Public) inaugurait, à Saint-Etienne, un projet expérimental d’habitat inclusif intégrant un service d’accompagnement de type SAMSAH[1]. Aujourd’hui, la résidence située en plein cœur de ville accueille 7 locataires présentant des troubles autistiques. Cette résidence, pas tout à fait comme les autres, est le fruit d’un engagement associatif fort visant à apporter une solution d’accès à l’habitat pérenne et adaptée à de jeunes adultes atteint de trouble du spectre de l’autisme (TSA) souhaitant vivre de manière autonome dans un logement de droit commun. Ce projet est aussi le résultat d’un partenariat, entre l’association Autistes dans la cité, les PEP 42, la Fondation COS et SOLIHA Loire Puy de Dôme, à l’origine d’innovations dans différents domaines.

Inventer une solution logement autonome et accompagné pour les personnes atteintes de trouble du spectre de l’autisme

Le constat à l’origine du projet est clair : la grande majorité des personnes présentant des troubles du spectre de l’autisme sont hébergées dans des foyers, logées seules dans du logement de droit commun ou hébergées chez leurs parents. Or, ces solutions ne sont pas adaptées aux besoins des personnes et ne favorisent pas leur autonomie et leur épanouissement. L’accès à un habitat accompagné et adapté aux personnes atteintes de  trouble du spectre de l’autisme est un besoin réel, exprimé à la fois par les personnes et leur famille.

C’est sur la base de ce constat que Danièle Langloys[2], présidente de l’association Autistes dans la cité, qui réunit des parents d’enfants atteints de TSA, a mobilisé plusieurs acteurs associatifs à Saint-Etienne, avec l’objectif de réfléchir à un concept d’habitat accompagné, adapté aux besoins des personnes atteintes de trouble du spectre de l’autisme.

En 2017, une convention multi-partenariale est signée, réunissant 4 associations : Autiste dans la cité, les PEP 42 et la Fondation COS – deux associations missionnées par le Conseil départemental de la Loire et par l’ARS – délégation territoriale de la Loire, pour co-porter le dispositif d’accompagnement social et médico-social dans le logement – et SOLIHA Loire – Puy de Dôme, spécialisé notamment dans la production de logements d’insertion et la gestion locative sociale. Le Dispositif d’accompagnement au logement inclusif pour adultes présentant des troubles du spectre de l’autisme (DALIAA) est lancé. Il donnera naissance à un projet d’habitat inclusif accompagné.

Le projet se concrétise avec l’identification par SOLIHA, qui assure la maîtrise d’ouvrage du projet, d’un ensemble immobilier situé en plein cœur de Saint-Etienne à proximité des transports et des commerces mais un peu à l’écart des bruits de la grande rue. La Foncière SOLIFAP acquiert l’immeuble et le confie à SOLIHA en bail à réhabilitation pour une durée de 35 ans. Le programme prévoit la création de 6 appartements de droit commun à la location de type 1 bis d’une surface de 35 m², d’un appartement de transition et des espaces de vie mutualisés et partagés par les résidents. Il intègre également les bureaux de DALIAA, au RDC de l’immeuble,  afin de proposer un accompagnement adapté, aux personnes qui le souhaitent.

Ce dispositif, ouvert en avril 2022, a aujourd’hui valeur d’exemple au niveau national. Il accueille 7 locataires – étudiants, salariés, intérimaires ou personnes en recherche d’emploi- hommes et femmes, âgées de 20 à 38 ans qui bénéficient selon leurs besoins d’un accompagnement individuel et/ou collectif. Tous les logements sont occupés, y compris le logement tremplin, et les personnes ont déjà gagné en autonomie.

L’accompagnement médico-social est proposé par les PEP 2 et la Fondation COS au travers d’une équipe composée de deux coordinatrices de parcours de formation éducatrices spécialisées, une psychologue et une AES (Accompagnatrice éducatif et social). SOLIHA de son côté assure, après la maîtrise d’ouvrage, la gestion patrimoniale du bâtiment et la gestion locative sociale adaptée des logements.

Ce projet expérimental a dû relever plusieurs défis en innovant sur plusieurs aspects.

Bandeau photo 600 200 #SOLIHAinnove DALIAA SOLIHA Loire Puy de Dome

L’aménagement, les équipements et des choix techniques au service des personnes et de leurs besoins

La prise en compte des besoins des futurs locataires a été au cœur du projet. Elle s’est traduite dans les choix techniques d’aménagement et d’équipement. Le cahier des charges du projet de réhabilitation a été travaillé avec les parents des futurs locataires, réunis au sein de l’association Autistes dans la cité. Il reposait aussi sur l’expérience des PEP 42 en matière d’accompagnement dans le logement de personnes atteintes de trouble du spectre de l’autisme, dans le diffus et d’un benchmark de projets existants au Canada et en Belgique.

La réduction des bruits, la régulation de la lumière, la délimitation des espaces et l’organisation fonctionnelle ont fait l’objet d’une réflexion particulière. De gros moyens ont été investis dans l’isolation acoustique et des régulateurs de lumière sont prévus. Les espaces sont conçus sur le principe un espace/une fonction, en travaillant notamment sur la hauteur des plafonds, de façon à bien identifier les limites. Le système de chauffage est conçu pour être géré de façon centralisée et sans aucune manipulation.

Pour Isabelle Bru, en charge du projet à SOLIHA, l’objectif était de « concevoir un bâtiment qui réponde aux besoins des personnes sans être stigmatisant par les équipements. » Il s’agissait de « proposer des logements à la fois sécurisés et sécurisants ».

Les futurs locataires ont également été associés au projet pour le choix des couleurs de la peinture aux murs et du revêtement du sol de leur appartement. Ils ont également préconisé par exemple le remplacement du digicode par un visiophone, plus sécurisant pour eux.

Un partenariat qui repose sur la complémentarité, la confiance et la force du collectif

Une autre force de ce projet a été sa dimension partenariale. La co-construction dès le départ, en partageant expertises et culture professionnelle, a été gage de réussite d’un projet complexe sur le plan technique, juridique et financier. Plusieurs réunions, associant les différents partenaires, ont permis à chacun de connaître l’univers de l’autre mais aussi de discuter et de décider collectivement des choix aux différentes étapes du projet.

« A SOLIHA, nous avons beaucoup appris de nos partenaires sur l’univers du handicap » souligne Isabelle Bru. « Nos équipes ont été sensibilisées sur la façon d’appréhender les personnes, ce qui nous a permis de ne pas être dans l’incompréhension ou le jugement. Cela nous a fait grandir et c’est très motivant ».

Marine Billard, Coordinatrice de parcours au sein de DALIAA se félicite également du partenariat.  SOLIHA « a su s’adapter dès le début. Par exemple, la lecture du bail a dû être repensé et adapté en tenant compte de la fatigabilité des personnes». La lecture du bail a été adaptée et s’est étalée sur 2 jours. Avec SOLIHA, « on sent qu’il y a une confiance, une attention particulière proposée aux personnes. Dès le moindre problème, même technique, leur intervention est hyper réactive. »

Un accompagnement adapté aux personnes basé sur la proximité et la réactivité

La présence de l’équipe sur place permet un accompagnement de proximité selon les besoins de chacun et toujours sur rendez-vous : accompagnement à la vie quotidienne, élaboration des menus, des listes de courses, des repas, du ménage, etc. L’objectif est de créer des routines. Des services peuvent également être mis en place avec les personnes, comme une aide-ménagère, si elles le souhaitent.

Pour Marine Billard,  « la proximité permet d’aller à leur rythme avec leurs contraintes à eux et non pas les nôtres ».

Pour Rémi [le prénom a été changé], un des locataires, « la résidence me permet d’avoir une équipe pluridisciplinaire juste en bas de chez moi et toujours présente en cas de pépin (…), il y a juste à descendre les escaliers. Il y aussi une astreinte que je peux appeler la nuit ou le weekend en cas d’urgence. En somme, ce que la résidence m’apporte c’est surtout l’autonomie d’un logement indépendant, additionné à la sécurité : rien ne pourra jamais m’arriver, je serais toujours aidée ».

Un atelier est organisé les jeudis dans la salle d’activité pour co-construire un projet décidé collectivement. Actuellement, les locataires travaillent à l’organisation d’un voyage touristique adapté à leurs besoins avec un prestataire dédié. Est également organisée, tous les mois, une sortie avec l’ensemble des locataires du dispositif DALIAA. « Souvent, ils arrivent ensemble en co-voiturage et pour nous c’est une vraie victoire ! » témoigne Marine Billard.

La domotique pour contribuer à l’émancipation progressivement de l’aide humaine

Le projet DALIAA se veut aussi un laboratoire d’expériences et d’innovation technologique, grâce notamment au soutien de la Fondation Orange. Les appartements ont été équipés de domotique et les locataires formés à l’usage d’outils connectés. Une Google home sert pour les rappels mais aussi pour poser des questions. Les rappels permettent le passage d’une tâche à une autre : se nourrir, se laver les dents, se coucher, etc. L’objectif est de pouvoir évoluer dans leur appartement vers une autonomie en ayant le moins possible recours à l’aide humaine. Les rappels sont là également pour anticiper les départs pour un rendez-vous en signalant les étapes.

De même, un partenariat avec une startup iséroise a permis d’adapter « l’Agenda A2 », conçu pour les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, aux besoins des personnes atteintes de trouble du spectre de l’autisme. Cette tablette sur support, donc toujours chargée, ne sert qu’à l’agenda. Avec l’accord des personnes, celui-ci peut être ouvert aux différents intervenants afin de caler les rendez-vous et prévenir les conflits d’agenda.

Par ailleurs, trois marques de plusieurs appareils électroménagers sont régulièrement proposées en test aux locataires avant l’achat. Ces tests permettent de s’assurer que leur niveau sonore ou de vibration, la texture sont bien adaptés à la personne qui souhaite les acquérir. Ces retours sont partagés avec les enseignes d’électroménagers concernées.

Un an après quels enseignements ?  Quelles suites ?

Le projet, qui a mis plus de 6 ans à se concrétiser est une réalité depuis un an. Pour Jean-Romain Durand, Directeur du dispositif d’accompagnement et d’insertion social et professionnel (DAISP) du PEP 42, « l’expérimentation est un peu jeune pour avoir du recul et pouvoir tirer un véritable bilan ». Les partenaires et l’ARS se réunissent une fois par an et pour l’heure, le constat est unanime : l’habitat inclusif et accompagné fonctionne ! Il est une vraie réponse aux besoins de logement autonome des personnes atteintes de trouble du spectre de l’autisme. Les 7 locataires s’épanouissent au quotidien et gagnent progressivement en autonomie dans de nombreux domaines.

Et la demande est énorme, notamment celle exprimée par le service de la médecine du travail de l’université de Saint-Etienne ou d’autres services sociaux qui transitent par la MDPH. Les besoins sont là et cette expérimentation démontre que l’habitat inclusif accompagné est une bonne réponse.

La question qui se pose alors est celle de la modélisation financière et économique.

Grâce à son agrément MOI (Maîtrise d’Ouvrage d’Insertion), SOLIHA BLI Loire a mobilisé les financements de l’ANAH, de la Fondation Abbé Pierre, de la Région AURA ainsi qu’un prêt complémentaire de la Caisse des dépôts. Par ailleurs, un soutien de l’ARS et des fonds issus du mécénat ont permis le financement des espaces partagés et du bureau du RDC.

Pour Jean-Romain Dupond, ce modèle basé sur les fonds privés « change les lignes du modèle médico-social ». Que ce soit pour SOLIHA, comme pour les PEP 42, aller chercher des fonds privés n’est pas dans la culture associative. Cela demande de l’investissement de la part de tous les acteurs, beaucoup de temps et d’énergie, au détriment de leurs missions plus opérationnelles, sans garantie de succès.

L’équilibre de l’opération repose également sur son modèle d’exploitation : le PEP 42 est locataire du bureau du RDC mais également des parties communes !

Par ailleurs, il faut le souligner, DALIAA n’est pas dans un schéma d’habitat inclusif classique car il n’émarge pas à l’Aide à la vie partagée (AVP) qui, à l’origine du projet, ne concernait pas les personnes atteintes de trouble du spectre de l’autisme. Le partenariat quadripartite avec ARS permet le financement de l’accompagnement mis en œuvre dans le cadre du DALIAA. C’est un dispositif qui n’existe nulle part ailleurs et en cela il est innovant.  Toutefois, tempère Isabelle Bru, « aujourd’hui,  les financements de l’État sont là et sont régulièrement renouvelés mais les engagements ne sont pas forcément garantis dans la durée ».

En attendant, chacun pense déjà à des pistes de développement. Pour SOLIHA, l’expertise consolidée dans le cadre de DALIAA sert à la réalisation d’un nouveau projet d’habitat inclusif, la Maison Bolène,  en Haute Loire. Elle est destinée à des personnes âgées et est conçue en partenariat avec l’association Maison Bolène, porteuse de projet et la commune de Craponne sur Arzon. Cette expertise pourrait également être mise à disposition des PEP au niveau national qui souhaiteraient réfléchir au déploiement du dispositif DALIAA dans d’autres territoires.

Pour Jean-Romain Durand, un axe de développement du projet DALIAA à St-Etienne pourrait être « d’adapter notre offre avec un accompagnement plus complet qui intègre l’insertion professionnelle » en travaillant d’une part avec les personnes autistes, qui souvent ne souhaitent pas parler de leurs troubles, et les entrepreneurs, qui ignorent ce que peut apporter une personne autiste à leur entreprise. « Le Loisir est également une autre piste à travailler, car dans ce domaine peu de choses sont faites » complète Marine Billard. L’autisme est un handicap invisible et l’offre culturelle n’est pas toujours adaptée.

Pour Rémi, enfin, « ce serait bien de pouvoir proposer plus de places pour les personnes en situation de handicap en face de l’immeuble, en partenariat avec la commune : en effet c’est quand même dommage d’avoir potentiellement plusieurs personnes autistes avec une carte de stationnement et de ne pouvoir être qu’un à l’utiliser. Ce serait aussi très cool d’installer un compost commun, des initiatives entre voisins, je veux dire par là de les encourager : le toit terrasse doit être fait pour cela mais il n’est pas encore aménagé ».

Justement, le projet d’aménagement du toit terrasse, mis en stand-by jusqu’alors pour des raisons financières mais aussi juridiques et de responsabilité, va prochainement sortir des cartons. Plusieurs pistes sont évoquées : un jardin sensoriel ? Un potager en permaculture ? Rendez-vous dans un an pour suivre l’évolution de cette résidence pas tout à fait comme les autres pour des locataires… comme les autres.

[1] Services d’accompagnement médico-social pour adultes en situation de handicap


A lire également le projet d’habitat pour personnes atteintes de trouble du spectre de l’autisme réalisé par SOLIHA Aveyron et Autisme Aveyron : SOLIHA Aveyron inaugure la première maison en France de logements inclusifs pour personnes autistes

Contacts

Partager cet article